Dans l’Edo crépusculaire, Yanagida, ancien samouraï retiré, troque le sabre pour les pierres de go. Mais loin d’être une retraite paisible, son quotidien devient le théâtre d’un affrontement aussi silencieux que dévastateur. Avec Le Joueur de Go, Kazuya Shiraishi livre un chef-d’œuvre d’une intensité rare, mêlant avec brio l’esthétique du Japon féodal et une introspection sur l’honneur, la filiation et la stratégie.
La mise en scène, élégante et maîtrisée, capte chaque geste, chaque silence autour du goban comme s’il s’agissait d’un duel de sabre. Et c’est là la grande force du film : Shiraishi sublime la tension dramatique sans recours au spectaculaire, rappelant l’épure d’un Kurosawa ou la délicatesse d’un Mizoguchi. Chaque partie de go devient une métaphore du conflit intérieur de Yanagida, superbement incarné par Koji Yakusho, dont le regard seul raconte des années de douleur contenue.
Le film interroge aussi la place du père, de l’honneur dans une société en mutation, et la transmission d’un art comme voie de rédemption. Sans jamais tomber dans le didactisme, Le Joueur de Go émeut, fascine, et laisse une impression durable, comme une pierre blanche posée sur la ligne du destin.